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Projection-débat du documentaire « Les migrants ne savent pas nager » à Fontaine

Mercredi 7 novembre au soir, la mairie de Fontaine a organisé une soirée projection-débat gratuite et ouverte à tous pour le documentaire « Les migrants ne savent pas nager » réalisé par Jean-Paul Mari et Franck Dhelens. Je me mêle au public constitué de jeunes étudiants, de retraités et d’une poignée de rescapés de l’Aquarius. Nous écoutons sagement les quelques mots d’introduction de Claudine Didier, l’adjointe au maire de Fontaine, qui rappelle que la mairie organise de nombreuses aides pour les migrants.

Et le film commence enfin. Les premières images sont terribles. Sous l’eau, avec pour seul son une respiration à la bouteille, l’on distingue peu à peu un bateau qui vient de sombrer. Et soudainement, des noyés tout habillés. En douze ans, 40 000 migrants se sont noyés entre la Lybie et Lambedusa. En 2016, ils seraient un million à avoir voulu traverser la Méditerranée, cet immense cimetière. La caméra remonte sur l’eau, à bord de l’Aquarius, le bateau de S.O.S. Méditerranée. Cette association est née de la volonté d’une humanitaire et d’un capitaine de marine hanté par les boatpeople vietnamiens qu’il a parfois laissés errer à la demande de ses anciens employeurs. Les marins sauveteurs s’exercent aux secours, les personnels soignants et quelques journalistes se préparent. Les uns pour sauver et soigner. Les autres pour témoigner et faire exister ce qui ne se voit pas. Tout l’objet du reportage est là : filmer et montrer cette guerre, affreuse et meurtrière, qui a lieu dans le plus grand silence.

Premier appel du Centre de Coordination Maritime. L’Aquarius s’élance. Une centaine d’hommes et de femmes se tiennent debout sur un bateau pneumatique qui pourrait en accueillir à peine la moitié. Les gilets de sauvetage sont lancés sur une foule en survie. De minuscules nourrissons et leurs mères sont extirpés et ramenés à bord, puis ce sont les hommes, par petits groupes. Peu à peu, le canot se vide. Les migrants sont en état de choc, épuisés. L’un d’eux finit par sortir de sa torpeur. Il remercie Dieu longuement en louant le ciel. Quelques langues se délient. Ils se sont battus à mort pour monter dans ce canot.

Derrière eux, des voyages à pied ou en camion qui ont duré jusqu’à sept ans, et surtout l’enfer de la Lybie. Les viols, la torture, l’esclavage partout. Quelques jours plus tard, ils arrivent au large de Lambedusa et sont laissés aux gardes côtes. C’est un autre parcours du combattant qui commencera, comme en témoignent sur scène lors du débat Aurélie Marcel, avocate, et trois rescapés de la Méditerranée, originaires d’Erythrée et du Nigéria. Les anciens demandeurs d’asile racontent l’importance du premier pays dans lequel on laisse ses empreintes en raison du règlement de Dublin, et surtout le temps qui passe et qui s’étire en attendant que les délais s’écoulent. Si l’on laisse ses empreintes en Italie, il faut attendre deux mois, puis six, puis encore dix-huit pour que la France réexamine une demande d’asile.

Puis le débat revient sur l’Union Européenne qui finance et forme les gardes côtes lybiens dans ce pays gouverné par des milices militaires qui se déchirent. L’Aquarius, dernier espoir de ces peuples qui se meurent, est depuis début octobre 2018 bloqué à quai à Marseille, sans pavillon.

Dehors, il pleut. Sur mon vélo, je ne peux m’empêcher de penser à ces naufragés et à ce bateau qu’il faut vite remettre à flot. « It’s up to us to humanize the sea ». Un film qui fait vivre et ressentir ce qu’on entend à la radio et ce qu’on évoque rapidement au milieu des autres nouvelles : des milliers de vie qui tombent dans un silence consternant. Notre silence(1).


(1) Rappelons nous ces mots d’Elie Wiesel à propos de l’holocauste dans son discours de remise du prix Nobel de la paix en 1986 : « Est-ce que cela peut être vrai ? » C’est le vingtième siècle, pas le Moyen Age. Qui permettrait que de tels crimes soient commis ? Comment le monde pourrait-il rester silencieux ?(…) Nous devons toujours prendre parti. La neutralité aide l’oppresseur, jamais la victime. Le silence encourage le persécuteur, jamais le tourmenté. »

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